En 2012-2013 à l'occasion de la transformation du couvent des Jacobins en centre de congrès à Rennes, des fouilles ont duré dix-huit mois et sont descendus jusqu’au niveau de la ville antique de Condate.
Comme le couvent avait servi de nécropole aux XVIe et XVIIe siècles, plus de 800 sépultures ont été fouillées. Le chantier a été confié à l'INRAP et placé sous la direction de Rozenn Colleter, archéo-anthropologue.
C'est en fin de fouille qu'a été découvert une fosse qui percute la voie antique.

Vue de la tombe de soldats de l’armée royale, inhumés au couvent des Jacobins, à Rennes (Ille-et-Vilaine).
ROZENN COLLETER / INRAP

Pendant deux semaines, les archéologues sortent les squelettes déposés sur trois niveaux.
« Ils n’étaient pas jetés les uns sur les autres, ils avaient eu droit à un traitement funéraire, précise Rozenn Colleter. Les squelettes étaient ordonnés, les bras le long du corps ou sur le pubis. »
Aucun indice matériel ne permettait de savoir qui étaient ces gens, d’où ils venaient, quand ils étaient morts, ni ce qui les avait tués.
En combinant plusieurs méthodes – la datation au carbone 14, étude anthropologique des squelettes, génétique et, surtout, analyse isotopique –, les chercheurs ont pu reconstituer les pièces d’un puzzle vieux d’un demi-millénaire.
Tous les squelettes appartenaient à des hommes, et certains portaient les traces de blessures guéries. Il s'agissait donc de soldats.
Certaines blessures allaient de bas en haut sur les membres inférieurs et montraient des coups dans le dos, ce qui a fait penser aux cavaliers que l’on attaque pour les faire tomber de leur monture et que l’on achève une fois à terre.
Dans La période fournie par les résultats du carbone 14, le seul conflit connu est le siège de Rennes par l’armée française de Charles VIII, en 1491.
Il s'agit de la dernière bataille d’Anne de Bretagne, qui signa la fin de l’indépendance de son duché et son intégration au sein du royaume de France.
Comme il y avait deux fosses, les archéologues ont imaginé que chaque camp avait son fossé.
L'analyse des isotopes peut indiquer la provenance géographique. En travaillant sur les dents, formées pendant la jeunesse, on peut savoir où les personnes ont grandi, tandis que les os, qui se régénèrent au cours de l’existence, révèlent où ces mêmes personnes ont vécu lors des dix dernières années.
La première des deux études fournit une carte de distribution des isotopes du soufre. Il sert à dire à quelle distance de la mer la personne a vécu, car la pluie qui arrive de la mer est chargée en soufre .
Dans la seconde étude, les scientifiques ont combiné les analyses des isotopes du soufre avec celles des isotopes de l’oxygène et du strontium.
Grâce à cette sorte de triangulation isotopique, on en déduit que le grand charnier rassemblait très probablement des hommes de l’armée royale.
A l’inverse, trois des quatre squelettes de la petite sépulture collective ont une origine bretonne.

Les chercheurs ont décidé de mettre leur programme statistique à la disposition de la communauté archéologique.
Rozenn Colleter compte aussi s’en servir pour une autre fouille, réalisée à l’Hôtel-Dieu de Rennes sur des sépultures antiques des IIIe et IVe siècles.
Quant à Anne de Bretagne, après le siège perdu de sa capitale, elle devint reine de France en épousant son vainqueur, Charles VIII, à 14 ans.