Vue du canal de Suez à Ismalia (Egypte) Photo Haussy

Ces personnages ont été mis en valeur par le film « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain ».
Pour eux, un Front de libération des nains de jardin (FLNJ) a été créé en 1996, dont la mission est de "leur rendre la liberté".
Cette "organisation secrète" emmène les nains de jardin ornant les jardins de particuliers pour les déposer dans des espaces publics tels que des forêts, où les gnomes sont sensés retrouver leur liberté, à l'image du nain de jardin volé qui voyage dans "Amélie Poulain".
Une farce qui a rencontré des adeptes et s'est quand même propagée dans de nombreux pays européens et américains jusqu'au début des années 2010 !
L'origine des nains de jardin semble se situer au cours du XVe siècle, lorsque des mines de métaux précieux (or et argent principalement) sont exploitées en Cappadoce.
Les travailleurs portant des bonnets remplis de paille en guise de casque de protection auraient alors fabriqué de petites statuettes taillées dans le bois servant d'amulettes pour se protéger du danger.
Pour rappel : la région a été occupée par les Phrygiens qui ont laissé leur nom à ce type de bonnet.
La déesse Cybèle vénérée dans cette région, dispose des clés de la terre donnant accès à toutes les richesses, son amant est Attis.

Buste d'Attis portant le bonnet phrygien, marbre de Paros, IIe siècle ap. J.-C Cabinet des médailles
Ces amulettes, placées à l’entrée des mines pour conjurer le danger, l’idée terrifiante pour la plupart des individus de se faufiler dans les entrailles de la terre, le possible emploi pour ce travail d’hommes très petits et le caractère secret de ces mines pour les autorités se sont sans doute combinés.
Ainsi aurait été réveillée la vieille légende des « pygmées » dont parlaient déjà Pline l’Ancien, Homère ou encore Aristote dans la Grèce antique. Ces êtres légendaires, hauts d’une cinquantaine de centimètres, vivaient, dit-on, dans de profondes cavernes et ne sortaient qu’à la faveur de la nuit.
D’autres sources citent les prospecteurs que les Vénitiens envoyaient dans les Alpes dès le XIIe siècle afin de trouver le cobalt nécessaire à leur précieux verre bleu de Murano.
Une galerie du XVIe a été découverte en Westphalie (Allemagne), dans une mine exploitée par les Vénitiens. Certains boyaux sont très bas et très étroits, car la galerie principale ne dépasse pas 1,30 m de haut et certaines veines secondaires ne font pas plus de 50 cm de hauteur. Les mineurs étaient donc très petits. Là encore le secret entourant ces mines précieuses a pu engendrer des légendes.
Les jardins de la Renaissance vont s’orner de statues d’inspiration antique mais dès le baroque, le goût des figures plus torturées s’affirme.

En 1705, la villa Palagonia, à Bagheria, en Sicile, fait figurer des nains en pierre sur le porche d’entrée.
Vers 1710, le jardin du Palais Mirabell, à Salzburg ou celui du château de Weikersheim en Allemagne s’ornent de nains de pierre.
En 1797, Goethe écrit "Hermann et Dorothée" où il évoque un jardin magnifique que les passants admirent pour ses nains colorés.
En Grande-Bretagne, la mode est alors aux nains de céramique, fabriqués à Chelsea comme porte-bonheur intérieurs.

Sir Charles Isham, installé à Lamport Hall, rapporte une vingtaine d'exemplaires de jardin d’Allemagne en 1847 pour décorer la rocaille qu’il créée.

La mode est lancée !
La Première manufacture de nains en céramique est ouverte en 1872 à Gräfenroda (Allemagne), par August Heissner, pour une fabrication quasiment industrielle (photo ci-dessus). Les lutins (souvenir des prospecteurs vénitiens), vont alors gagner les pays et régions alentour tels que l'Alsace, la Rhénanie, l'Autriche.
En 1812, le conte des Frères Grimm "Blanche Neige et les 7 nains" a mis en scène la princesse Blanche-Neige accueillie dans la petite maison des sept nains qui la cachent et la protègent de la méchante reine.
Les studios Disney adaptent cette histoire en dessin animé, en 1937, le succès est immédiat.

Et voilà le bel Attis transformé en gnome de plastique pour le plus grand bonheur des amateurs…

Cet article est l'œuvre de Marie-Christine Haussy, intervenante UNTL en histoire de l'art.