La maison des avocats : prouesse d'architecture ou gabegie écologique ?
Par Roland Haussy le mer., 24/02/2021, 08:42 - Sciences et techniques - Lien permanent
A l'occasion de l'inauguration de la Maison des Avocats à Paris, nous avons demandé l'avis de notre intervenant UNTL en architecture.
Voici donc son jugement (complètement libre !).
La Capitale vient de s’équiper d’une Maison des Avocats flirtant avec le nouveau TGI de Paris. Ces bâtiments ont été réalisés par une agence d’architecture reconnue RPWB ou en décodé Renzo Piano, qui fut en son temps l’un des architectes du Centre Pompidou de Beaubourg.
C’est un bâtiment dont les façades sont en verre, de forme triangulaire avec des porte-à-faux importants, l’ensemble reposant en cinq points sur des blocs de bétons assimilables à ceux sur lesquels s’assoient nos centrales nucléaires, le tout pour glisser ces cinq points d’ancrage entre le métro, les puits d’accès, les réseaux d’une ville… Il est de huit étages.
Diantre, me direz vous, selon des journalistes et les architectes, le « principe de vérité constructive » repose sur un « exosquelette transparent » constituant un « prisme en apesanteur », transparence délivrant une « atmosphère voluptueuse » le jour, pour « donner de la lumière à la ville la nuit, avec un effet lanterne » grâce à cette double façade.
Alors je croyais que nous parlions de plus en plus d’écologie, même si je le suis raisonnablement ?
Il semble que non ou pas tout a fait…
A l ‘époque de la Très Grande Bibliothèque en 1994, certains s’étaient révoltés contre la transparence (hygrométrie et température) et la sécurité des ouvrages au feu (en l’occurrence les livres).
Aujourd’hui nous respirons, les avocats derrière leurs façades en verre pourront subir les mêmes attaques provenant de personnes toutes aussi indélicates et tentant d’en vouloir à notre société.
Mais ni plus ni moins qu’au TGI, à quelques mètres, dans lequel se rend la Justice de notre pays.
Alors, nous entendons parler de plus en plus d’accès au sable qui devient contingenté au niveau des carrières, vu que l’on cherche aussi à le soutirer de la mer sans en connaître les retombées.
Quelles que soient la ou les réalisations.
Car il intervient partout, dans le béton, dans les vitrages, dans le bitume…
L’exemple actuel de la Chine venant se servir à grands renforts de bateaux dans les eaux des îles territoriales de Taïwan, en est le reflet.
Le reflet c’est également qu’avec ce sable nous faisons les vitrages, et qu’un immeuble vitré en est grand consommateur, que de surcroît l’énergie nécessaire pour maintenir un niveau de température doit aussi rentrer dans le bilan carbone. Ceci est l’impact de référence à l’écologie au travers des différentes COP. Quand seront prises les sages décisions ?
Alors, que deviennent des intentions louables et urgentes pour l’avenir de nos enfants et de nos petits enfants ? L’architecte doit il décider « d’éclairer les villes la nuit », ou devons nous responsabiliser enfin les donneurs d’ordres, même ceux publics ?
Cependant, et côté positif, en tant qu’ancien collaborateur d’architecte, ce bâtiment représente selon moi une œuvre contemporaine au Design affiné, esthétique, un joyau, mais avons nous besoin encore de joyaux aujourd’hui ?
Yvan Balp
Rédigé le 23/02/2021
Commentaires
Yvan et chers lecteurs,
c'est ce billet qui m'apprend que les avocats de Paris ont construit une nouvelle maison; je viens de lire avec beaucoup d'intérêt ce billet, mais il me semble qu'il traite un peu trop de sujets en même temps; cela m'inspire quelques réflexions personnelles:
-je suis très sensible à la relation entre écologie et économie, il suffit pour s'en assurer de consulter le programme UNTL 20-21 (non réalisé pour toujours la même raison)
-je suis conscient du problème du sable (et du fait que la Chine se comporte déjà comme le maître du monde) et cela ne constitue qu'un seul cas d'épuisement des matières premières; la question est donc dans quelle mesure on admet encore l'extraction de toutes ces matières; sous-question: est-ce qu'il faut pour autant interdire le verre comme matériau de construction ? faut-il critiquer l'utilisation de quelques milliers de m² de vitres sachant que en France tous les jours on installe des millions de m² ?
-on peut se poser la question si les avocats n'avaient pas fait un meilleur choix pour une rénovation au lieu d'une construction nouvelle; cela pose la question dans quelle mesure des impératifs écologiques peuvent interférer avec des choix particuliers, basés sur d'autres critères
-un critère important des avocats a dû être de se trouver le plus près possible du TGI; cela a entraîné le choix pour une construction nouvelle; est-ce déraisonnable ?
-au niveau de l'architecture, je suis bien d'accord qu'un projet privé n' a pas vocation à illuminer la ville; on peut poser la question à savoir si les avocats devaient nécessairement construire un bâtiment un peu "emblématique" ou "landmark"; un Etat peut le faire, un privé pas vraiment, mais en disant cela on nie à un maître d'ouvrage toute recherche d'esthétique, ou d'originalité
-je crois comprendre que le terrain a des contraintes importantes; c'est sans doute un fléau à Paris (manque d'espace et prix au m² très élévé); il me semble que il rentre aussi dans des missions d'un architecte de trouver des solutions et de dépasser des contraintes et de tirer un maximum de potentiel d'une localisation donnée; dans ce cas-ci cela a dû dicter les techniques appliquées et les formes extérieures de la construction; cela n'en fait pas encore une centrale nucléaire
-finalement, en relation directe avec la dernière ligne du bllet, le véritable dilemne qui se pose dans nos sociétés affluentes, c'est de savoir comment concilier l'économique et lécologique (si conciliation est encore possible); si l'écologie signifie l'arrêt de mort à la liberté personnelle, à la liberté d'entreprendre, à tout ce qui rend la vie agréable (la saveur d'un morceau de viande dans un menu scolaire ?) est-ce que cette vie vaut encore le coup, ou faut-il se résigner à une vie comme elle était avant la révolution industrilelle, (sale, précaire et courte, pour paraphraser un célèbre auteur); est-ce que le véritable joyau n'est pas notre style de vie en Occident en début du XXI ième siècle ?