Ce mélange de fécule de maïs et d’eau est appelé oobleck.
Vous placez un volume de fécule dans un récipient et vous ajoutez deux volumes d’eau.
Vous plongez ensuite votre poing à dans ce récipient.
Si votre geste est lent, la main s’enfonce dans ce mélange comme dans un liquide.
S’il est rapide, le poing ressent une résistance, comme si le liquide s’était solidifié (plusieurs essais sont nécessaires pour trouver le bon mélange).

Des scientifiques (du MIT en 2004 et du CNRS en 2020) ont étudié le comportement d’un tel mélange sur un plan incliné. Ils ont vu apparaître une série d’ondulations très régulières et proéminentes ridant sa surface et variant en fonction de la pente.
Certes il n’est pas rare de voir des surfaces de liquide calme se couvrir de vaguelettes : lors d’orages importants, le ruissellement de la pluie sur la chaussée ou sur un pare-brise s’accompagne parfois de ces vagues (tout dépend de la vitesse). C’est un effet similaire à celui des embouteillages. L’inertie du fluide, qui a tendance à conserver sa vitesse, répond avec retard à une contrainte, un coup de frein à l’avant de l’écoulement crée une accumulation de matière, qui se répercute en accordéon vers l’arrière. Cependant, les scientifiques ont montré que pour ce mélange de fécule et d’eau, l’origine de la formation d’ondes est complètement différente : elles ne découlent pas de l’effet de l’inertie comme pour l’eau, mais des propriétés spécifiques du mélange : la viscosité changeante.

L’oobleck est rhéoépaississante, c’est-à-dire que sa viscosité change en fonction de la contrainte exercée, comme l’illustre l’expérience du poing plongeant. Si on « tape » légèrement sur le mélange, les grains de quelques micromètres à l’intérieur restent éloignés les uns des autres, se repoussant par diverses forces microscopiques. Si l’on tape plus fort, ils se rapprochent et frottent les uns contre les autres, augmentant la viscosité et donc réduisant la vitesse du fluide.
Très heureux de cette découverte, les chercheurs, Baptiste Darbois Texier, Henri Lhuissier, Yoël Forterre et Bloen Metzger, ont baptisé ces vaguelettes « ondes de Oobleck », du nom de la fécule de maïs en anglais et d’une substance décrite dans une bande dessinée de 1949.
Ces résultats pourraient donc fournir de nouvelles pistes pour comprendre d’autres instabilités de flux observées dans diverses configurations, en particulier dans les procédés industriels confrontés à des instabilités de débit tels que le béton, le chocolat ou les matériaux vinyles.
En effet, des matériaux géophysiques comme l’argile, des suspensions de micelles ou des matériaux industriels, comme certains bétons, sont aussi rhéoépaississants.
L’équipe estime avoir ouvert un nouveau champ, l’étude des écoulements de ces fluides particuliers, et a commencé à revisiter le catalogue des expériences classiques de mécanique des fluides : écoulement dans un tube, un silo, autour d’une sphère ou d’un cylindre…
Avec sans doute d’autres surprises.

références :

  • Baptiste Darbois Texier, Henri Lhuissier, Yoël Forterre & Bloen Metzger, « Surface instabilité sans inertie dans les suspensions de cisaillement », à paraître dans Nature Cummunications Physics
  • Article du Monde daté du 13 janvier 2021, signé par David Larousserie et intitulé « La maïzena fait des vagues ».