Si vous demandez à n'importe lequel de vos voisins qui est Paul-Henri Spaak, ce qu'a apporté le Traité de Maastricht ou quelles sont les compétences de la Commission européenne, il sera sans doute bien en peine de répondre car on ne lui a pas appris l'histoire de la construction européenne.
Il est à noter que les Français sont ceux qui en Europe, nourrissent la plus grande méfiance à l'égard de l'Union européenne.

« Il ne s'agit pas de créer un lien de causalité direct entre ces deux constats », note d'emblée Thierry Chopin, l'auteur de ce rapport consacré à l'enseignement de l'Europe en France, mais plutôt de considérer que « puisque la France a fait le choix de participer à la construction européenne, il est important de mieux former, informer et consolider les connaissances des futurs citoyens français et européens sur l'Europe ».
Chaque apprenti citoyen devrait acquérir, selon lui, outre une compétence scolaire, une compétence civique européenne sur laquelle asseoir convictions et opinions personnelles.
On n'y est pas. L'Europe est la laissée-pour-compte des programmes scolaires français, qu'il s'agisse de l'enseignement de l'histoire, de la géographie ou de l'éducation civique. Les événements historiques transnationaux (la naissance de la démocratie, l'Europe médiévale, la renaissance, les Lumières) sont traités trop systématiquement à partir de l'exemple national. « L'Europe est reléguée au second plan, et considérée comme une toile de fond pour aborder le cas français », peut-on lire dans le rapport.

Le petit tour d'Europe que fait l'auteur montre que la situation n'est pas franchement meilleure en Allemagne ou en Pologne. Pour la Pologne notamment, « Les programmes des écoles et des lycées sont marqués par une tendance néo-nationale caractérisée par la prédominance de l'histoire polonaise et par l'appauvrissement de la dimension européenne en histoire contemporaine », souligne le rapport.

La bonne élève semble être l'Italie, où la volonté d'inscrire le pays dans l'Europe semble davantage prise en compte. Depuis la rentrée 2020, les lycéens italiens suivent un cours d'éducation civique où l'enseignement des institutions européennes est obligatoire.
Le rapport fournit une longue liste de propositions pour combler les lacunes constatées.
L'objectif est de compléter le récit du « roman national » par un récit européen en élargissant à d'autres nations le traitement des événements marquants de l'histoire de France. « Il faut donner aux élèves des repères dans le temps et travailler sur des « lieux de mémoire européens » : Florence, Prague, Auschwitz, le mémorial de Caen…

Les élèves apprendraient ainsi que l'Europe des Lumières ne s'est pas éteinte à la frontière française mais a fleuri aussi en Allemagne avec l'Aufklärung de Kant, en Espagne et en Italie !
Il faudrait aussi apprendre les différents contours de l'Europe, ceux de l'euro, ceux de Schengen et de l'Europe politique.
Il faudrait enfin donner à réfléchir sur les niveaux complémentaires de la citoyenneté, française et européenne.
Thierry Chopin ne prêche pas entièrement dans le désert. Dans la préface qu'il a rédigée, le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune évoque la création toute récente d'un Observatoire de l'enseignement de l'histoire en Europe sous la houlette du Conseil de l'Europe, destiné précisément à faciliter l'échange de bonnes pratiques entre les Etats. Le responsable politique y voit « un marqueur fort de la volonté collective de mieux faire reconnaître l'histoire et les histoires européennes ».