Au cours de l’histoire, différents peuples, avec leurs coutumes, leurs langues, leurs comportements culturels et sociaux, ont envahi notre territoire et y ont laissé des traces, notamment en toponymie (du grec, topos, lieu et ónoma, nom). Le nom d’un panneau indicateur, d’une rivière, d’un quartier nous interpelle parfois.

La connaissance des langues régionales est une clé pour la compréhension de la toponymie.

Beaucoup de noms de lieux de Provence sont issus de notre langue provençale. Au XIXe siècle, certains ont été traduits, d’autres adaptés. En France les noms de lieux-dits ont été enregistrés par le cadastre et les cartes d’État-Major au XIXe puis par la commission de l’IGN pour les cartes modernes au 1/25000e.

Le territoire provençal est, grosso modo, marqué par 4 périodes successives représentant 4 couches accumulées de noms venus de langues différentes :

- La période ligure : préhistoire et haute antiquité

- Période gréco-latine : antiquité

- Période provençale : du moyen-âge à nos jours

- Période provençale et française : du XIXe siècle à nos jours.

Les Ligures n’ont laissé aucune trace de leur langue si ce n’est des noms de lieux en « SK » : Venasque, Tarascon…
C’est aussi de l’époque ligure que viendraient les noms de lieux tels que Les Baus, Caromb, Cucuron, Montagne de Cougoir.
Les Grecs fondèrent Phocée et habillèrent à la grecque certains noms ligures tels que Massalia, Kitharista (Ceyreste). Ils créèrent Nikaia et Antipolis (Nice et Antibes).
Les Celtes arrivés par le nord au IVe siècle n’ont laissé que quelques traces, par exemple Bonnieux et Bédarrides.
Les noms gallo-romains en « ACUM », « AC » en français, sont certainement arrivés via le latin : Gigna(Gignac).
Les romains, venus aidés les grecs contre les Ligures entre 181 et 124 avant J-C, s’installèrent définitivement au 1er siècle et firent du territoire une « Provincia » d’Italie.

De nombreux noms de lieux provençaux ont pour origine le nom du fondateur du domaine agricole, la villa, ainsi les noms en « AN », « ANE » comme Aubignan, Barbantane, la quartier des Antignans à Nyons.
Viennent aussi du latin Aix (Aquae Sextiae, les eaux de Sextius), Fos (fossis marianis, (les fosses marines).
À la fin du Ve siècle la Provincia fut relativement épargnée par les invasions germaniques car peu de toponymes ont cette origine. Allemagne (04), un groupe d’alamans a dû s’installer là, La Fare (la famille).
Entre le Ve et le IXe siècle le latin parlé dans la Provincia se transforma et devint le provençal. Les noms latins ou latinisés suivirent la même évolution. Le provençal évolua en passant par le provençal ancien puis moyen jusqu’au provençal moderne et contemporain du XIXe siècle Massilia en latin devint ainsi Marselia puis Marsiho (Marseille), Balma devint Bauma puis Baumo (grotte).
Pour les noms de lieux moins connus ou locaux, il fallut attendre la francisation effective de la Provence. Mais dans la vie quotidienne le français ne supplanta le provençal qu’au XXe siècle. Ce fut donc en provençal que furent créés, ou réadaptés, les nouveaux noms de lieux-dits pendant près de 1000 ans.
Les formes françaises actuelles sont des traductions ou adaptations parfois maladroites. En voici quelques exemples :
- L’enquêteur a pris une réponse ponctuelle pour un nom de lieu : Justamont (84) qui signifie juste là-haut
- Des déformations pour raccrocher les noms locaux à des mots français : Les Crottes, actuellement Crots (05), pour Lei Croto (les caves) - Le Trou des Belles à Venterol pour Lou Trau dóu Bòli (le bòli étant un endroit où poussent des joncs) - Le Pilon du Roi (13) pour Lou Pieloun dóu Roure (Le pic du Chêne).
- Des orthographes aléatoires : Le Barroux (84) pour L’Aubarrous - Lis Arnaveaux (13) pour Leis Arnavèu (les paliures) – Les Issambres (83) pour Lei Sambro (creux de rocher)
- Des traductions assez correctes, par exemple Colline pour Colo qui rendent le territoire plus compréhensible pour celui qui ne connait pas la langue régionale.
- On a aussi une proportion significative de noms locaux adaptés au milieu naturel et culturel : Bouchet de bosk (bois) –Blaches de blacas (chêne blanc) – Rouvière (bois de chêne rouvre) – Ermes (friches, landes) –Les Ouches, Les Auches, Les Hortz (terre labourable) – La Canebière (de canebe chanvre) – le Maupas (mauvais passage), etc.