''Le texte ci-dessous est extrait du livre de Suzanne le Rouzic, titulaire d’un doctorat d‘ethnologie de l’Université de Brest suite à sa thèse portant sur l’analyse de certains traits spécifiques de la culture des riverains des forêts de Camors, Floranges et Lanvaux, dans un passé qui remonte à 1918 : savoir-faire du travail en forêt, usages forestiers, activités symboliques et imaginatives. . .
Elle analyse ensuite, dans la même aire géographique, les modalités actuelles de rapport à cet environnement.
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Dans cette région d’Auray, à partir de 1793 le conflit entre les républicains et les chouans fait rage. Un républicain qui a acheté des biens nationaux est assassiné, le curé assermenté de Camors, commune républicaine, est tué par les chouans de Cadoudal en 1794, des soldats périssent dans les forêts.

Les morts isolés deviennent alors des martyrs qui élargissent le culte paroissial en y intégrant des saints républicains et chouans. Le fait d’ignorer leur nom n’a pas nui au développement des rites, une tombe peut même être associée à un saint sans que son corps ait été enterré là, comme c’est le cas ici à Bé er Sant..

Les divers témoignages recueillis (dans les années 2000) permettent de préciser le rituel qui est souvent accompli entre femmes et qui a pour but d’obtenir que l’enfant qui a 14 ou 18 mois se mette à marcher. Il commence avec le déplacement : 3 à 5 km, une distance qu’une mère peut parcourir à pied en portant un enfant. Diverses étapes se suivent pendant cette marche en forêt et à l’arrivée.
« Nous faisions des croix avec du bois et un couteau. On apportait des habits, des chaussettes des bavettes, et puis on balayait l’endroit et disait peut-être un petit bout de prière quelconque » Et il fallait faire plusieurs fois le tour de cette tombe pour que l’enfant marche. Le rituel est sans périodicité, contrairement au rituel cyclique de l’église. La démarche est individuelle. Les rites se répètent mais avec des variantes, comme le dit une femme à propos des objets déposés sur les petites croix « Chacun mettait ce qu’il souhaitait ». Plusieurs personnes ont indiqué que les anciennes croyances et pratiques se perpétuent, surtout à Bé er Sant : « oui, parce que c’est plus facile à aller là-bas ». Le cadre forestier procure une certaine marge de secret : lieu, couvert, silencecamors_6.jpg, nov. 2020

''J’ai habité à quelques kilomètres de ce lieu. Je peux en témoigner. Vous pouvez le découvrir sur le site Détour d’art en Pays d’Auray rubrique lieux insolites.
Martine Lambert''