Depuis la renégociation du traité de Lisbonne selon les souhaits de M. David Cameron, après la décision d’organiser un référendum, la campagne manipulée en faveur du « Leave » (Partir), jusqu’à la lutte de pouvoir en cours actuellement parmi les conseillers et la garde rapprochée de Boris Johnson, la loi de Murphy s’est emparée du sujet !

Rappel historique

Les Britanniques ont voté le Brexit en 2016 sans savoir vraiment de quoi il s’agissait.

Mme Theresa May aurait pu s’appeler Mme de La Palisse lorsqu’elle disait : « Brexit veut dire Brexit ». L’objectif des Britanniques partait de l’idée qu’ils pouvaient restreindre l’accès à leur marché, garder un accès libre au marché européen, et s’affranchir de tout programme et toute règle de droit communautaire.

Les autres états européens, représentés par Michel Barnier, étaient et sont restés unanimes dans leur position stricte vis-à-vis des Britanniques. Il y a deux étapes : d’abord définir les conditions du départ du Royaume Uni, puis convenir de la nouvelle relation après le départ.

Les conditions de départ

Malgré les ruses de Boris Johnson et différents soubresauts, les négociations ont permis d’éviter un départ sans accord au 31 décembre 2019. Il a eu un double effet.

1) Au regard du traité de Lisbonne le Royaume Uni a quitté l’Union européenne le 31 décembre 2019 à 24 h. Mais au lieu de devenir du jour au lendemain un état-tiers comme le Nigéria ou l’Arabie-Saoudite, le Royaume Uni bénéficie d’une période de transition d’un an prévoyant un report de la plupart des effets de la perte de la qualité de membre de l’Union européenne. Mais elle

- n’a plus de commissaire à la Commission

- n’a plus de place à la table du Conseil des Ministres

- n’a plus de représentants au Parlement européen.

2) Pour le marché unique, en revanche, rien n’a changé :

- Les flux commerciaux entre le Royaume Uni et l’Union européenne continuent comme avant selon les règles européennes et la juridiction de la Cour de Justice au Luxembourg.

- Le Royaume Uni contribue au budget européen durant l’année 2020.

- La libre circulation des personnes est maintenue selon les règles européennes.

- Les accords internationaux conclus via l’Union européenne restent d’application jusque fin 2020, les nouveaux traités commerciaux que les Britanniques voudraient conclure, ne peuvent donc entrer en vigueur qu’à partir du 1 janvier 2021.

- La pêche continue durant tout 2020 selon les règles européennes.

L’accord sur le départ comprend deux sujets qui vont plus loin que le simple départ.

- Le premier concerne les droits de séjour des citoyens britanniques dans l’Union et des citoyens européens au Royaume Uni. Le statut de citoyen européen n’existant plus entre les deux, l’accord prévoit une période de transition plus longue.

- Le deuxième concerne l’Irlande du Nord où la création d’une frontière extérieure entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord fait interférence avec les Accords du Vendredi Saint entre la République et les partis catholique et protestant en Irlande du Nord ; une matière hyper compliquée, mais aussi extrêmement sensible dans les deux pays.

Les nouvelles relations

Depuis février 2020 on négocie l’accord sur la relation future. Le Royaume Uni essaie d’obtenir le maximum, alors que l’Union européenne veut avant tout se protéger d’une concurrence déloyale de sa part et conditionne un accès privilégié au marché européen au respect par le Royaume Uni d’un certain nombre de règles de « bonne conduite ». L’Union européenne observe les tentatives de Boris Johnson de détricoter, via la nouvelle législation intérieure, certaines dispositions du traité sur le départ, et ceci en claire transgression des règles du droit international. .

Comme les nouvelles règles éventuelles doivent entrer en vigueur au 1 janvier 2021, les négociateurs souhaitent trouver un accord au plus tard le 20 novembre…

Certains analystes supposent que Boris Johnson essaie d’occuper les esprits le plus longtemps possible, alors qu’il aurait déjà décidé depuis longtemps de quitter l’Union sans accord.

Il ferait le pari qu’avoir les mains libres, lui permettrait de garder ouvertes toutes les options futures. Les chamboulements dans son cabinet la dernière semaine peuvent aussi être le signe d’une révolte, contre ce point de vue du « hard brexit », et pour un accord, même moins bénéfique, à la dernière minute, comme cela a été le cas de l’accord sur le départ.

En cas de « hard brexit » :

Sans accord, le Royaume Uni deviendrait le 1 janvier un état-tiers, avec tout ce que cela implique en termes de contrôles aux frontières et l’applicabilité des règles de l’OMC. Ces dernières règles ne posent aucun problème à l’Union qui appliquerait alors ce qu’elle applique à tout autre état-tiers, mais le Royaume Uni est-il prêt ?

Il semble que les administrations douanières se soient déjà concertées et aient convenu d’une déclaration numérique commune afin de faciliter le dédouanement.

On s’attend néanmoins à des files monstrueuses de camions des deux côtes de la Manche.

Les exportations européennes vers le Royaume Uni ne représentent que 8 % du total (38 % pour le Royaume Uni), mais cela n’empêche que le Nord-Ouest de la France, la Flandre et les Pays-Bas seraient sérieusement impactés dans leurs exportations et la pêche. Idem pour les industries dont la chaîne de valeur est répartie entre l’Union et le Royaume Uni, telles que Airbus, Thales, etc.