A lire sans modération,

Salut, verre de vin vidé jusqu’à la lie,
Champagne pétillant dans des tonneaux épars,
Salut, dernier Bordeaux, dans la coupe remplie,
La couleur du bon vin complait à mes regards…

Je vois d’un œil rêveur le tonneau solitaire,
J’aime à reboire encor, pour la dernière fois,
Ces liqueurs et ces vins, dont l’odeur salutaire,
Monte jusqu’à mon nez, tandis que je les bois…

Oui, dans cette bouteille où mon gosier aspire,
A l’odeur de l’alcool je trouve plus d’attraits,
C’est le goût du bon vin, ce bon vin que je tire,
Des tonneaux que mon ventre engloutit à jamais…

Ainsi, prêt à quitter la porte de la cave,
Cuvant de mes celliers le vin qui sent si bon,
Je me retourne enfin, tandis qu’une odeur suave,
Monte encor jusqu’à moi hors du cellier profond..

Verres, fioles, carafes, belle et douce liqueur !
Je vous dois une larme au bord de mon tonneau !
Le champagne est si bon, et pure sa couleur !
Aux regards d’un soulard le Bourgogne est si beau !

Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie,
Ce calice mêlé de liqueur et d’alcool,
Au fond de cette coupe, si souvent remplie,
Peut-être en restait-il encore, au fond du bol ?

Peut-être l’avenir me gardait-il encore
Un délicieux tonneau ? Mais tout le vin est bu !
Peut-être dans la cave un recoin que j’ignore,
Recèle t’il encor ce vin tant attendu ?

Le vin tombe en coulant du tonneau où j’aspire,
Aux verres, aux bouteilles, à la barrique enfin,
Moi, je meurs. Et mon âme, au moment qu’elle expire,
S’exhale comme la douce odeur du bon vin.


(pour copie non conforme : Alphonse De Lamartine, « L’automne » )

R Maillot